Les actualités Famille ravoire
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L’Usine Nouvelle – « Nous avons besoin de formats et de données pour le réemploi », confie Alexandra Parfus (Famille Ravoire)

Huit mois après le lancement de ses premières bouteilles réemployables, le négociant éleveur provençal Ravoire est donné en exemple dans la filière. Alexandra Parfus, directrice marketing et développement, dresse le bilan de l’expérience et expose les futurs projets.

Emballages Magazine : Vous aviez présenté la préparation du lancement d’une gamme de vins en bouteilles réemployables l’an dernier. Quelques mois après, pouvez-vous déjà dresser un premier bilan ?

Alexandra Parfus : Le lancement a effectivement commencé en juin 2022. Mais, pour un bilan, il faut analyser l’opération selon chaque canal de vente, à savoir la grande distribution (GMS), l’initiative Loop de Carrefour, Le Fourgon et les cafés-hôtels-restaurants (CHR), parce que les résultats sont différents.

Commençons donc par la GMS, avec laquelle vous avez d’abord démarré.

La GMS s’imposait pour faire un essai sur un volume conséquent et toucher un public assez large. Nous avons proposé cinq références aux enseignes chez qui nous sommes habituellement présents, surtout en Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour un volume de 320 000 cols au total, à ce jour, sur un total de 6 millions par an pour l’entreprise. Mais nous n’avons pas prévenu les distributeurs et avons simplement remplacé, dans nos livraisons de ces références, les bouteilles à usage unique par des bouteilles réemployables, qui se différencient par une étiquette lavable et le picto « apte au réemploi » sur la contre-étiquette. Rapidement, cependant, bien que ce soit un élément d’emballage supplémentaire, peu compatible avec une démarche écoresponsable, nous avons dû ajouter une collerette pyramide pour mieux mettre en évidence la réemployabilité. Avec un QR code qui donne accès, entre autres, à une explication sur le réemploi et la consigne, c’est plus incitatif. Nous travaillons aussi sur une signalétique spécifique en magasin.

 

Et quel est le taux de retour ?

Aussi étonnant que cela paraisse, nous ne savons pas combien de bouteilles reviennent dans le circuit. France consigne, à travers ses points de collecte, en nombre bien insuffisant d’ailleurs, trie les contenants par format – bordelaise ou bourguignonne – mais nous ne récupérons que les bouteilles de la vallée du Rhône, via Ma bouteille s’appelle reviens à Valence, L’Incassable à Marseille et la Consigne de Provence dans le Var. Ailleurs, si elles sont réutilisées par d’autres, tant mieux ! C’est l’un des points faibles de la démarche aujourd’hui. Nous sommes convaincus toutefois que la GMS est un canal adapté au réemploi, avec les surfaces nécessaires pour accueillir des stations de collecte.

L’expérience est-elle plus concluante avec le système de consigne Loop de Carrefour ?

Le contexte est différent puisque les espaces Loop dans certains magasins Carrefour sont affectés exclusivement au réemploi et disposent également de bornes de collecte automatique des emballages consignés. Le consommateur est donc averti. En outre, le prix avec consigne s’y démarque clairement de celui sans consigne, même si, pour les trois références que nous proposons, un côtes-du-rhône rouge et un blanc, ainsi que notre rosé Manon, le montant n’est que de 50 centimes.

Quels sont les résultats dans ces conditions ?

Les statistiques sont très encourageantes. Nous avons livré 5 à 6 000 bouteilles et le taux de retour se situe autour de 35%. Il est inférieur à celui des produits alimentaires, mais un vin n’est pas forcément consommé par son acheteur. Et, curieusement, il est supérieur pour le rouge. Peut-être cela évoluera-t-il durant l’été.

Est-ce une solution optimale ?

Elle présente, il est vrai, de nombreux avantages : une excellente communication auprès des consommateurs, une « carotte » monétaire, l’intégration de la logistique, avec des racks dédiés, ce qui nous permet de récupérer toutes nos bouteilles… Si le message est clair, il faut souligner cependant les couacs des débuts. En particulier, la consigne n’est pas assujettie à la TVA et l’organisation diffère entre les magasins de proximité d’une part, les hypermarchés et supermarchés d’autre part. Par ailleurs, il faut veiller à ne pas fixer une consigne trop élevée, sinon le consommateur ne fait pas l’effort et préfère le fond de rayon. Mais c’est un réel axe de développement, d’autant que des partenariats avec d’autres enseignes, Metro par exemple, sont à l’étude.

Le troisième canal est celui du Fourgon. Quel est l’intérêt pour vous ?

Le Fourgon s’adresse à des consommateurs finaux, avec une logistique performante et une interface très intuitive. L’inconvénient pour nous est la couverture géographique de cette solution : elle arrive seulement en Rhône-Alpes, à Lyon et Grenoble. Mais nous lui livrons déjà une à deux palettes par mois, de deux références de rouge, soit plus qu’à Loop. En revanche, nous ne revoyons pas encore nos bouteilles.

Avec le CHR, rôdé au réemploi, les perspectives sont-elles meilleures ?

Il est certain que le CHR maîtrise parfaitement le process avec les soft drinks et la bière et que les restaurateurs représentent une clé d’entrée essentielle. C’est pourquoi nous avons choisi France Boissons comme distributeur, avec une première initiative en région Sud. Cela va seulement nous demander d’adopter leurs outils et de proposer nos bouteilles dans des casiers en plastique notamment.

Par ailleurs, vous-même allez devenir collecteur.

Modestement. Nous allons installer une machine de déconsignation sur le parking de l’entreprise, à Salon-de-Provence, dont Lemon Tri assurera la maintenance. Ce sera un point de collecte reconnu par France consigne, qui se chargera du lavage et de la revente des bouteilles. Nous récupérerons tous les contenants, et pas seulement les nôtres, avec une consigne d’un montant d’un euro, sous forme de bon d’achat valable sur la boutique en ligne. Nos salariés seront les premiers à en bénéficier mais ce sera ouvert à tous ensuite, si cela ne provoque pas une affluence excessive et des débordements.

Au-delà des spécificités de ces circuits, quels enseignements globaux tirez-vous de cette stratégie de vente ?

Nous le pressentions dès le départ, le développement de contenants standard est une priorité. C’est une condition primordiale à la massification. Aujourd’hui, nous utilisons une bourguignonne mais il nous faudrait une dizaine de formats au minimum, sans avoir à se chamailler sur leur hauteur ou sur des types de bague, sans intérêt pour le consommateur. Nous discutons pour cela avec Citeo et Adelphe. Aboutir sur ce point nous permettrait peut-être de passer à 3 ou 4 millions de bouteilles réemployables. Nous manquons aussi cruellement de données sur le poids des bouteilles, les distances parcourues, etc. Par exemple, un allègement de 20 g peut avoir un impact important à l’achat et à l’export. Les acteurs ont enfin besoin de garanties telles que des certifications au niveau de l’hygiène. Pour l’instant, les initiatives relèvent des entreprises, comme la validation de Ma bouteille s’appelle reviens par la maison Chapoutier, qui, par ailleurs, a rejoint Ravoire au capital de cette start-up. Cela ne suffit pas. Le modèle reste encore largement à construire. Néanmoins, le réemploi devient financièrement intéressant, compte tenu des hausses de tarifs des bouteilles conventionnelles et de l’obligation de stocker soi-même que nous imposent les verriers.

Est-ce pour ces raisons que vous vous lancez dans la bière ?

En effet, nous nous diversifions en nous équipant d’une brasserie et d’une ligne d’embouteillage 100% dédiés à la bière sur notre site de Salon-de-Provence. Les brassins offrent l’avantage de rotations supérieures alors que, dans le vin, il faut attendre la prochaine vendange. Nous aurons une cuverie d’une capacité nominale de 1500 hl par brassin, segmentée en plusieurs cuves. Nous devrions être opérationnels en fin d’année. Nous sommes prudents néanmoins et tablons sur la production de 200 000 bouteilles de 33 cl la première année, au mieux. Surtout, nous nous engageons directement dans le réemploi, avec un standard validé, la « long neck », disponible chez tous les verriers. Ce qui montre au demeurant que c’est possible !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.